"retourne de là où tu viens" d'Annette Lellouche
La préface d'Annie Bruel
Ce fut lors d’une Fête du Livre dans notre belle région du Pays de Fayence que j’ai rencontré Annette Lellouche pour la première fois. Et, tout aussitôt, à la lumière des paroles échangées pour lier connaissance, nous nous sommes toutes deux rendu compte de toutes les petites choses qui nous rapprochaient, en nous nous amusant :
Nos prénoms semblables, nos semblables frêles statures, et notre sensibilité pour la littérature et la poésie.
Cependant, ce fut tout particulièrement le fait d’apprendre que, jadis, nous ayons, toutes deux, fréquenté le même lycée, de la même ville : Tunis, qui scella notre bonne entente.
Sans doute, à cette époque, nous étions-nous croisées sans savoir que le destin nous rassemblerait quelques nombreuses années plus tard ?
Lors de cette première rencontre, Annette signait son premier livre : « Entrez dans la danse », un recueil de nouvelles relatant dans une écriture fluide et poétique, le courage, la vitalité et l’espoir de quelques femmes de notre génération. Livre qui m’a enchantée réellement.
Depuis, nous passons de longues heures à parler d’écriture et de lecture, nos communes passions...
... et voilà aussi pourquoi, aujourd’hui, je suis heureuse de préfacer son premier roman.
Il m’a rarement été donné le plaisir de commencer un livre sans jamais pouvoir m’arrêter de le lire avant le dernier mot de la dernière page, et c’est pourtant ce qui m’est arrivé en découvrant son deuxième ouvrage.
Roman qui nous fait découvrir, avec habileté, l’ambiance d’une «école d’écrivains»... pour nous entraîner ensuite dans une enquête quasi policière, le tout traité avec sensibilité, talent et humour.
Un livre qui se dévore sans pouvoir s’en séparer un seul instant.
Extrait
"Partagée entre un reste d’énergie et les yeux clignotant de fatigue, elle lit le nom de l’expéditeur suivant, gemepoete. Il l’attire doux comme une promesse.
gemepoete. Il doit s’agir probablement d’une des élèves de l’Atelier d’Écriture. Cela fait deux ans qu’elle y a nidifié ses écrits. Toutes les écrivaines en herbe ont pris pour habitude de s’échanger leurs travaux littéraires, en présents virtuels tard le soir, comme pour se rassurer, espérant recevoir l’approbation ou les félicitations. L’ultime marque d’amitié avant le coucher. Pas avec toutes bien sûr. Nonobstant elles les aiment toutes avec sa spontanéité féline. Prête à rebondir. Elle répond toujours, avec plus ou moins de fougue, plus ou moins de gentillesse, avec rigueur parfois, mais elle répond. Toujours ! Estampillé Respect !
Curieuse et affriolée par l’intitulé – poète, jubile-t-elle naïvement – elle clique donc avec une curiosité gourmande sur gemepoete, déclenchant imprévisiblement une mine anti personnelle qui la déchiquette. Le piège, embusqué dans l’emballage soyeux de l’intitulé poétique, se referme sur la souris qu’elle écrase rageusement :
« ma chere idiote franki! Sais tu combien tout le monde rigole de tes soit disants écrits,lorsque tu nous en parles ou les lis??Personne ne comprend à ton accent.Tu devrais apprendre à parler le francais..au lieu de paraitre.Tu n as rien de nous et tu ne feras jamais partie de notre millieu et monde.Retourne de là où tu viens ».
Sa première lecture est expéditive. Elle note d’instinct au passage toutes les fautes d’orthographe et de syntaxe, comme pour s’anesthésier avant l’opération délicate du décryptage. Pour refouler l’âcreté des propos.
Francette est abasourdie. Le mail est anonyme, expédié en « message transféré ». Une avalanche de questions l’interpelle : d’où, de qui, pourquoi ? Elle est subitement pétrifiée comme éperonnée par le dard d’une guêpe. Les mots se détachent un à un avec pour mission unique de distiller du poison dans ses veines. Elle est submergée par un profond désarroi. Son mental gamberge dans le désordre pour trouver une échappatoire. Il doit certainement y avoir une erreur de transmission."
L'auteur
Après des études de section « Classique » niveau BAC, Annette Lellouche a mené tambour battant ses affaires en région parisienne. Lorsque sonne l’heure de la retraite, elle décide de s’installer dans le Var pour y couler des jours tranquilles.
Au hasard d’une rencontre avec un écrivain - poète, elle découvre le bonheur de l’écriture. Son aventure littéraire débutera avec un recueil de nouvelles « Entrez dans la danse » . Quelques poésies s’insèrent dans tous ces récits de « Femmes » où se mêlent l’amitié, l’amour, le rêve, les voyages.
Elle ne s’arrêtera pas en si bon chemin puisqu’elle vient de terminer son roman « retourne de là où tu viens » . L’histoire d’un Concours littéraire qui déclenche de vils sentiments humains. Un troisième livre en cours d’écriture, relatera le destin de deux femmes dont les secrets, parfois encombrants, les feront se croiser deux fois. L’amour et la tolérance finiront par triompher.